Les Géants des différentes mythologies européennes symbolisent de manière générale le chaos primitif des forces brutes de la terre. Ils représentent les bouleversements cosmiques des premiers âges, les manifestations élémentaires, les forces sauvages et indomptées de la nature naissante. Ils figurent ainsi la première étape de la gestation évolutive.
Ce chaos primitif dans la mythologie grecque est représenté par les Titans. Fils d'Ouranos, le ciel, et de Gaïa, la terre, les Titans tentèrent de s'emparer du pouvoir suprême après que leur père Ouranos soit mutilé par Cronos. Mais Zeus, fils de Cronos et roi des Dieux olympiens, leur livra bataille. Dans cette guerre les Titans furent vaincus, et de cette lutte nacquit la troisième génération des Dieux, celle des cieux, des mers, et des enfers: Apollon, Poséidon, Hadès, Athéna, et Héra. Les Titans étaient les adversaires de l'esprit conscient, cet esprit qui allait donner toute sa grandeur à l'humanité. Ils incarnaient les forces indomptées et incontrôlées, celles qui s'opposent à l'effort évolutif de la conscience qui permet de sortir du stade animalier.
Gaïa donna ensuite jour aux Géants pour venger les Titans enfermés par le Dieu Zeus dans le Tartare. Les Géants sont des être chtoniens, c'est à dire issus des entrailles de la terre. Tout comme leurs cousins les Titans, les Géants se caractérisent par la force brute et primitive, par leur gigantisme matériel et leur pauvreté spirituelle. Ils ne peuvent être vaincus que par les coups conjugués d'un homme et d'un Dieu. Cette alliance entre hommes et Dieux est le reflet de la bataille entre l'esprit conscient et les instincts primitifs de l'inconscient. C'est un appel à l'héroïsme humain, car le Géant représente tout ce que l'homme doit vaincre pour se libérer et s'épanouïr.
Dans ce même registre se trouvent les Cyclopes. Ils sont eux aussi des géants, symbolisant les mêmes forces chaotiques du monde primitif. Leur particularité est cet oeil unique sur le front. Cet oeil unique symbolise la perte de la dimension spirituelle, et une récession intellectuelle. Bien que maîtres du tonnerre et de l'éclair, les Cyclopes sont étroitement liés aux forces chtoniennes. Certains ont même voulu y voir une figuration du volcan et de son cratère. La rage et la furie des Cyclopes seraient ainsi une image de l'éruption volcanique.
Dans la mythologie germano-nordique on retrouve les Géants avec ces mêmes caractéristiques, celles qui évoquent la violence des éléments primitifs, la force brutale déchaînée, celle qui échappe à l'empire de l'esprit. Les Dieux Ases sont ceux qui préservent l'ordre naturel des choses, tandis que les Géants s'y opposent en permanence. Pour résumer on peut dire que les Dieux défendent l'Ordre, alors que les Géants défendent le Chaos. Cette opposition s'exprime dans les mythes nordiques d'un bout à l'autre, et trouve son aboutissement ultime dans le célèbre Ragnarök, le crépuscule des Dieux.
Dans la mythologie nordique le Géant est nommé Jötunn (Jötnar au pluriel). C'est le terme générique qui englobe tous les Géants. Ces derniers se divisent en trois races de Jötnar :
Tous ces Géants ont comme lieu de résidence Utgard, le monde d'en-dehors. Ce monde est souvent associé avec une région qui se trouverait à l'Est du monde des Dieux et des hommes. Cette orientation géographique symbolise ici ce qui se cache derrière l'aube: l'obscurité. Le Dieu Thor est l'ennemi juré des Géants. Nombreux sont les mythes qui voient le Dieu aux prises avec les Géants, l'Ordre contre le Chaos.
Dans ces mythes nordiques, il existe une autre différence qui divise les Géants. Cette différence est plutôt subtile et pas toujours évidente à cerner. Il y a en effet les Géants qui sont foncièrement chaotiques et dont le seul but est la destruction d'Asgard et de Midgard, ce sont ceux que nous retrouverons lors du Ragnarök ponctuant la phase finale des mythes. Puis il y a les Géants qui tout en représentant aussi les forces brutes et primitives, ne sont qu'un élément de l'évolution cyclique, l'aspect premier et indompté des forces naturelles. Ces derniers participent de la grande roue du destin, celle qui est la genèse de la vie. Bref, les uns sont au début du cycle, alors que les autres concluent le cycle. Cette subtilité est très bien reflétée par deux runes. Ce sont les runes Uruz et Thurisaz ( U + þ).
Hathuwolf Harson
Sources :
Vendredi 23 Novembre 2018